Vous vous posez la question. En lisant un article, en écoutant un débat, en scrollant sur votre téléphone. “Mais ce média, il est plutôt de gauche ? De droite ? Objectif ?” Et vous avez raison de vous interroger.
Parce qu’on ne lit pas un journal comme on lit une recette de cuisine. Derrière chaque ligne, il y a un ton. Une façon de cadrer l’info. De la choisir. De l’éditorialiser. Bref, une orientation politique, explicite ou non. Et dans un paysage médiatique où l’on peut passer de “Libé” à “CNews” en un swipe, ça vaut le coup de savoir qui parle, depuis où… et pour dire quoi.
Alors aujourd’hui, on prend un moment. Pour démêler. Pour nommer. Pour mieux comprendre comment se structurent les lignes éditoriales des journaux français. Et comment, parfois, elles influencent bien plus que l’actualité.
Qu’appelle-t-on “orientation politique” d’un média ?
Ce n’est pas une étiquette collée sur la couverture. Ce n’est pas non plus une case à cocher. L’orientation politique, c’est la somme des choix qu’un média fait chaque jour :
Quels sujets il traite. Quels mots il emploie. Quelle posture il adopte face aux pouvoirs. Qui il interroge. Et qui il ignore.
En France, on distingue souvent :
- La presse d’information (Le Monde, AFP, France Info…), qui revendique une relative neutralité.
- La presse d’opinion (Libération, Valeurs Actuelles, L’Humanité…), qui assume une vision politique claire.
Mais entre les deux ? Il y a un spectre nuancé, des glissements subtils, des évolutions récentes. Bref, une réalité plus complexe que “gauche” ou “droite”.
La grande carte de la presse française
Allez, visualisons.
Sur l’axe gauche-droite, voici une cartographie approximative, mais éclairante :
Gauche critique : L’Humanité, Mediapart, Reporterre, Politis
Centre-gauche/libéral : Libération, Le Monde, France Inter
Centre/modéré : Le Parisien, Ouest-France, 20 Minutes
Centre-droit : Le Figaro, Les Échos, Europe 1
Droite conservatrice : Valeurs Actuelles, CNews, Le JDD (version Bolloré)
À noter : certains titres oscillent, selon les périodes, les rédactions, les rachats. C’est une photo mouvante, pas un classement figé.
Et au-delà de la gauche et de la droite ? Il y a aussi des médias indépendants, écologistes, radicaux, satiriques (Charlie Hebdo), alternatifs (Blast, StreetPress, Le Média)… qui bousculent les codes.
Qui possède quoi ? Le nerf de la guerre
L’orientation d’un média, ce n’est pas que sa rédaction. C’est aussi qui le finance. Et là, les cartes sont vite révélatrices.
- Le Figaro appartient au groupe Dassault.
- Les Échos, Le Parisien à LVMH (Bernard Arnault).
- BFMTV, RMC, L’Express à Altice (Patrick Drahi).
- CNews, Europe 1, JDD au groupe Vivendi (Vincent Bolloré).
- Le Monde : propriété de Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Daniel Kretinsky, via le groupe Le Monde.
Certains titres, comme Mediapart, se veulent totalement indépendants, financés uniquement par leurs abonnés. D’autres comme France Télévisions ou Radio France sont publics, avec leur propre complexité.
Bref, suivre l’argent, c’est aussi suivre les influences.
Focus sur quelques journaux emblématiques
Libération
Né dans le sillage de Mai 68, il a longtemps été le porte-voix de la gauche intellectuelle. Aujourd’hui, il se veut toujours progressiste, engagé, parfois provocateur, surtout sur les questions sociétales.
Le Figaro
Conservateur assumé, proche des cercles de droite républicaine. Défend les valeurs traditionnelles, l’économie libérale, l’ordre républicain. Mais reste l’un des journaux les plus lus.
Le Monde
Souvent perçu comme centriste ou centre-gauche, il mise sur la profondeur d’analyse. Certains lui reprochent un ton élitiste ou institutionnel. Il reste une référence en matière de journalisme “posé”.
Mediapart
Né du besoin d’un média d’enquête libre et critique, Mediapart mise sur les révélations, l’anticonformisme, la confrontation avec les pouvoirs (quels qu’ils soient).
Valeurs Actuelles
Positionné à droite conservatrice, voire extrême-droite sur certains sujets, il parle aux électeurs identitaires. Très clivant, mais influent sur une partie du débat.
Et les autres canaux ? Télé, radio, web…
On les consulte tous les jours, souvent sans s’en rendre compte. Et ils ont, eux aussi, une orientation.
- France Inter : centre-gauche, perçu comme progressiste.
- Europe 1 : passé d’un ton généraliste à une ligne plus conservatrice depuis son intégration dans le groupe Bolloré.
- CNews : chaîne d’opinion clairement à droite, parfois comparée à Fox News.
- France Info : ton neutre, mais jugé parfois technocratique.
- Blast, Thinkerview, HugoDécrypte : nouvelles formes d’information, avec des biais assumés ou revendiqués.
Même les influenceurs info sur TikTok ou Instagram façonnent l’opinion. Et souvent, avec beaucoup moins de transparence sur leur positionnement.
Le rôle du lecteur : quelle responsabilité ?
Eh oui. Vous aussi, vous jouez un rôle.
Pourquoi ? Parce qu’on a tous une tendance naturelle à chercher ce qui confirme notre opinion. C’est ce qu’on appelle le biais de confirmation. On lit ce qu’on a envie d’entendre. On partage ce qui renforce notre vision.
Résultat ? On s’enferme, parfois sans le vouloir, dans une bulle informationnelle. Et on s’étonne ensuite que “les autres ne comprennent rien”.
Le réflexe à cultiver ? Croiser les sources. Lire ce qui dérange. Comprendre l’angle plutôt que le juger.
Peut-on encore parler d’objectivité ?
Grande question. Et réponse nuancée.
Non, il n’existe pas de média 100 % neutre. Parce que toute information passe par un regard humain. Même le choix de traiter ou non un sujet est politique.
Mais oui, certains médias font le choix de la rigueur, de la nuance, de la transparence sur leurs sources, leurs biais, leur méthode.
Et ça, ça se sent. À la lecture. À l’écoute. À la répétition.
Demain : vers un nouveau paysage ?
Les lignes bougent. Les jeunes générations s’informent ailleurs. Sur YouTube, via des newsletters, des podcasts, des groupes privés. Le journal “papier” s’efface, mais l’info reste.
Et au fond, le vrai enjeu, c’est peut-être là : éduquer à l’esprit critique. Enseigner dès le collège comment décrypter une source. Comment repérer une manipulation. Comment chercher la contradiction.
Parce qu’un citoyen bien informé, c’est un citoyen moins manipulable. Et ça, ça commence avec vous.
Lire entre les lignes, et entre les lignes éditoriales
Savoir qu’un journal a une orientation politique, ce n’est pas grave. C’est même sain, si c’est assumé. Le problème, c’est quand elle est dissimulée, floue, ou instrumentalisée.
Alors la prochaine fois que vous ouvrez un article, demandez-vous :
Pourquoi ce sujet, maintenant ?
Quel vocabulaire est utilisé ?
Et si c’était raconté autrement ?
Ce n’est pas de la paranoïa. C’est du discernement. Et dans un monde saturé d’informations, c’est peut-être notre compétence la plus précieuse.
Et vous, quels médias vous semblent vraiment dignes de confiance ?