Des vestiges de la charpente du XIIème siècle, il ne reste plus que des cendres. La flèche de 53 mètres de haut imaginée par Viollet-le-Duc au milieu du XIXème siècle s’est elle aussi effondrée, connaissant ainsi le même sort de celle qui couronnait l’édifice jusqu’en 1792.
Il est terrifiant de réaliser que même les plus grands chefs-d’oeuvres ne sont pas impérissables. Comment un ouvrage qui aura nécessité des centaines d’années de travaux peut-il s’envoler dans le ciel de Paris en quelques heures ? Outre les questions légitimes de protection et de systèmes de prévention que l’on est en droit de se poser, il nous appartient aujourd’hui de savoir comment faire revivre ce bijou architectural qui fait toute l’identité de la ville la plus visitée au Monde.
À quoi ressemblera Notre-Dame de Paris à l’issue des travaux de restauration pour lui redonner un toit ? Mercredi, à l’issue du Conseil des ministres, le chef du gouvernement Edouard Philippe a annoncé l’organisation d’un vaste concours d’architectes qui portera sur la reconstruction de la flèche. L’objectif du Premier ministre : faire émerger un projet « adpaté aux techniques et enjeux de notre époque ». Une ambition pour le moins nébuleuse, qui ne manque pas d’inquiéter historiens de l’art comme opinion publique.
Déjà les premiers projets

Le cabinet d’étude du projet explique :
En tant qu’architectes, nous sommes évidemment sensibles au projet de sa reconstruction mais une question se pose : faut-il la refaire à l’identique ?
Ce sujet est très sensible pour des raisons que l’on comprend aisément. La forêt de bois qui constituait la charpente, ses assemblages et son âge en faisaient un ouvrage remarquable à tous les égards. On imagine mal qu’il existerait une autre option que celle consistant à reconstruire la charpente et la toiture à l’identique en nous appuyant sur tous les documents que nous possédons. A l’image du château de Guédelon que l’on construit à la force des bras et de l’amour du savoir-faire ancestral, Notre-Dame de Paris pourrait devenir un gigantesque chantier pédagogique à ciel ouvert. D’ici quelques décennies, cet épisodes tragique s’effacerait au profit d’une toiture flambant neuve, si vous nous passez l’expression. Mais à bien y réfléchir, serions-nous vraiment satisfaits de cette tentative de pied-de-nez au destin ? Quel autre plaisir y trouverions-nous à part celui de nous conforter dans la certitude que tout est éternel ?
Il nous semble que cette démarche serait certes réconfortante mais catastrophique d’un point de vue intellectuel. Jamais une oeuvre fraichement moulue des meilleurs ouvriers du XXI ème siècle ne portera la même véracité et la même force que celle qui fut construite par les compagnons des siècles derniers. Non pas que la technique de nos contemporains ne soit pas à la hauteur – bien au contraire – mais plutôt car il leur manquera toujours la légitimité de l’époque à laquelle ils appartiennent vraiment. Mais d’ailleurs, l’oeuvre de Viollet-le-Duc n’était-elle pas déjà une transgression de l’architecture gothique sur laquelle son ouvrage s’appuyait ? N’a-t-il pas réussi à magnifier la cathédrale en lui octroyant un dialogue divin entre deux époques différentes ?
Le projet que nous imaginons pour la restauration de la cathédrale est donc résolument contemporain. Pas au prétexte d’une quelconque fantaisie provocatrice, mais bien parce que nous sommes convaincus qu’il s’agit de l’unique bonne réponse que l’on puisse apporter à un objet patrimonial si important. Nous imaginons une nouvelle toiture dont la structure ferait écho à celle des plus beaux ouvrages de notre époque. Ainsi, le bois laisserait place à de l’acier dont le dessin s’élancerait de manière très légère en direction de l’ancien pinacle de la flèche. Afin de souligner son caractère aérien, nous la remplirions de panneaux vitrés qui s’alterneraient ponctuellement avec de larges tuiles de cuivre. A l’image de l’architecture gothique qui recherchait le divin dans la hauteur et la lumière, nous souhaiterions que cette philosophie soit poursuivie par le biais d’une construction monumentale, lumineuse et élancée. Le dessin de ces racines métalliques s’élevant vers le ciel serait un allégorie de la renaissance d’un ouvrage que l’on croyait mort.
Ce nouveau projet aurait également vocation à modifier la connaissance que nous avons de la cathédrale en rendant sa toiture accessible au public. On découvrirait alors dans ce nouvel étage des vestiges de l’ancien monument, des explications sur l’histoire de Notre-Dame, des photos et des vidéos d’archives. À la croisée du transept, en lieu et place de l’ancienne flèche, le plancher vitré s’ouvrirait sur l’église en contrebas en nous rappelant qu’à cet endroit trônait une des plus belles oeuvres de Viollet-le-Duc.
Bien évidemment le projet que nous vous proposons ne se fera certainement jamais. On ne reconstruit pas 500 ans d’Histoire en une journée à la grâce d’un ordinateur et de bonnes intentions. Mais nous espérons que cette image aura le mérite de nous interroger sur la façon dont nous voulons faire le deuil de Notre-Dame. Nous pouvons certes nier le drame et la reconstruire à l’identique pour satisfaire les touristes du monde entier. Mais, lorsque les larmes auront cessé, laissons-nous aussi une chance de lui rendre hommage en inscrivant sa reconstruction dans notre époque afin qu’on sache qu’elle fut un jour battue par les flammes, mais qu’elle ne sombra pas.
Source : Godart + Roussel Architectes

Commentaire d’Alexandre Chassang :
Nous n’allons pas reconstruire aujourd’hui par mimétisme l’image du passé.
Ce serait comme exposer une copie de la Joconde au Louvre.
Profitons de ce moment pour ouvrir le débat sur l’action à mener.
L’architecture doit représenter notre époque.
Je suis très heureux que le débat soit ouvert et que la reconstruction à l’identique ne soit pas une évidence pour tous. Très bonne idée de faire un concours international où la réflexion architecturale pourra s’exprimer.

Le studio d’architecture NAB a pour sa part transmis mardi sa “réflexion” pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris : une serre botanique en lieu et place de la toiture de la cathédrale.

Certains architectes, enfin, préconisent un projet bien plus large, étendu au parvis, voire au quartier de Notre-Dame.
Dominique Perrault, qui a notamment conçu la Bibliothèque nationale de France, a déjà présenté un projet de rénovation du parvis de la cathédrale en 2015. “Il existe un contraste fort : ce lieu est visité en permanence et il est déserté par les Parisiens, déplore-t-il. L’Île de la cité est une ‘île-monument’.” A l’époque, il proposait un “miroir de verre” géant pour valoriser la cathédrale.
Consulter notre article : Paris, un projet spectaculaire
Très bel article justement écris !