François Boulo réponds sur Europe 1

Sa priorité est aujourd’hui de porter la parole des gilets jaunes. Sa légitimité, il l’a gagnée en allant à la rencontre des manifestants lors d’un jogging qui l’a mené sur un rond-point rouennais.

Devant une assiette de raviolis italiens, l’homme de 32 ans à l’allure sage de comptable, lunettes rondes en écaille et écharpe grise nouée autour du cou, revient sur son engagement. Ultraposé, ultracarré, il paraît être l’antithèse du cliché vociférant accolé au gilet jaune. «Lorsque j’ai vu l’ampleur que la mobilisation commençait à prendre, j’ai eu un mélange d’espoir et d’intuition qu’elle ne s’arrêterait pas à la journée du 17 novembre. La taxe sur le carburant n’est que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase

Celui qui a voté Sarkozy en 2007 a entamé la sortie de son «coma politique» il y a quelques années. Dette publique, création monétaire, injustice sociale… il dévore les essais, se plonge dans l’histoire politique française et construit petit à petit sa critique du néolibéralisme. «Je me suis refait tous les débats jusque dans les années 70. C’est absolument génial.» Une réflexion qui doit aboutir sur un livre, entrepris au mois de septembre dernier. «Avant même les gilets jaunes, j’avais prévu de l’appeler “le Réveil citoyen”. Ce n’est pas une blague.»

Le 17 novembre, alors qu’il a réussi à se motiver pour un jogging, il rencontre un groupe de manifestants sur un rond-point. L’alchimie se crée. Quelques jours plus tard, il est invité à prendre la parole à une réunion publique sur le parking d’un centre commercial de Rouen, où il habite. «Ça a été un moment charnière. Il y a eu un silence religieux lorsque j’ai parlé.» Celui qui se qualifie volontiers de CSP + «pas à plaindre» s’attendait à «se prendre une tomate». Il reçoit une salve d’applaudissements. «A la fin de mon discours, ils criaient tous “François référent”», commente-t-il dans un grand sourire. Rapidement, Boulo recueille les signatures de 200 soutiens qui le mandatent pour aller défendre le mouvement dans les médias.

Et son galop d’essai télévisé tourne au coup d’éclat. Le 1er janvier, sur le plateau de LCI, gilet jaune sur chemise bleu ciel, il déroule ses arguments contre l’injustice sociale. «Ce que souhaitent les gens, c’est que soient remis en cause tous les dispositifs fiscaux qui sont au bénéfice des 1 % les plus riches. C’est-à-dire l’ISF réformé, la flat tax, l’exit tax et le CICE, captés pour moitié par les plus grandes entreprises. L’ensemble de ces cadeaux fiscaux, c’est 20 milliards en 2018 et 30 milliards en 2019.» Face à Patrick Martin, vice-président du Medef qui évoque un détournement de l’objet initial de la colère des gilets jaunes, le jeune avocat fait mouche. Précis et piquant. «Vous verrez que les dispositifs fiscaux sont expressément mentionnés dans les cahiers de doléances […]. Que vous soyez dans le déni, ça vous regarde.» Sur les réseaux sociaux, le moment fait le buzz et cumule plusieurs dizaines de milliers de vues. Cette notoriété soudaine, il la balaie d’un revers de main : «Je défends mes convictions et une cause qui me dépasse.» Magnanime, il pointe que le succès de la séquence tient autant à ses propos qu’à son contradicteur. «Il incarnait l’objet du ras-le-bol… Le premier passage télé, c’est comme lorsque vous arrivez dans un groupe qui ne vous connaît pas : il ne faut pas rater votre blague car, après, c’est plié !»

Avocat mais aussi finaliste d’un concours d’éloquence en 2014, Boulo a clairement le goût de la parole. En réunion, voix un poil nasillarde mais articulation nickel, le fan de Dire Straits et guitariste électrique à ses heures aime citer Coluche et Tocqueville pour mieux appuyer sa critique des élections, «qui ne sont pas l’alpha et l’oméga de la démocratie». Il puise son inspiration chez l’écrivain François Bégaudeau, «un homme avec des mots d’une précision chirurgicale», ou encore chez l’économiste radical Frédéric Lordon.

Source : Libération

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